Modélisation d’habitats : exemples et utilités pour la gestion écologique
Modélisation d’habitats : exemples et utilités pour la gestion écologique
La fragmentation des milieux naturels est l’un des principaux facteurs de recul de la biodiversité. Les infrastructures humaines sont des barrières artificielles qui coupent les habitats, isolent les espèces et empêchent leur déplacement. C’est là que les corridors écologiques entrent en jeu car ils relient les zones naturelles éparpillées entre elles. Se pose alors la question de comment les identifier, les cartographier et les intégrer pleinement dans l’aménagement du territoire.
Qu’est-ce qu’un corridor écologique ?
Un corridor écologique est un espace de déplacement fonctionnel pour une ou plusieurs espèces. Il peut s’agir :
- d’un cheminement linéaire (haie, cours d’eau, lisière forestière),
- d’un mosaïque de milieux semi-naturels (prairies, boisements, friches),
- d’un passage ponctuel (écoduc, passage à faune).
Il fait partie d’une trame verte et bleue, visant à reconnecter les espaces naturels dans une logique de continuité écologique.
Pourquoi les cartographier ?
- Pour identifier les zones stratégiques à préserver ou restaurer,
- Pour orienter les projets d’aménagement (éviter les coupures),
- Pour cibler les efforts de compensation écologique,
- Pour mieux comprendre les besoins de déplacement des espèces.
Une cartographie rigoureuse permet de passer du concept à l’action concrète.
Méthodes de cartographie des corridors
Approche par les habitats
- On identifie les noyaux de biodiversité (réserves, forêts, zones humides),
- Puis on cherche les zones tampons ou interstitielles qui les relient,
- Cette méthode s’appuie souvent sur des cartes d’occupation du sol (photos aériennes...).
Approche par les espèces (fonctionnelle)
- On choisit une ou plusieurs espèces cibles à mobilité moyenne ou faible (ex: gecko vert de Manapany à La Réunion),
- On modélise leurs besoins écologiques (habitat, obstacles, préférences),
- On applique des algorithmes de connectivité.
Modélisation avec SIG et outils dédiés
- Cost-distance : chaque pixel du paysage reçoit une valeur de "résistance" au déplacement, et on calcule le chemin le plus favorable entre deux habitats.
- Circuitscape : méthode inspirée de l’électricité pour simuler les flux de dispersion.
- Linkage Mapper, Graphab ou Conefor : logiciels spécialisés pour cartographier et hiérarchiser les corridors.
Exemple concret : corridor pour une espèce endémique
À La Réunion, pour une espèce comme le Gecko vert de Manapany, les déplacements sont limités à certains types d’habitats dans la région de Manapany. Une analyse fonctionnelle permet d’identifier :
- Les zones refuges actuelles,
- Les passages encore praticables,
- Les obstacles critiques (routes et zones habitées).
La cartographie finale peut orienter des actions de reconnexion écologique : replantation de d'espèces végétales indigènes, reconnexion entre les différentes populations, rencontre avec les habitants...
Données nécessaires
- Occupation du sol à haute résolution (photos aériennes, BD TOPO, Sentinel…),
- Présence/absence d’espèces, habitats préférés,
- Réseaux linéaires anthropiques (routes, chemins, clôtures…),
- Relief et hydrographie (les pentes et les ravines jouent un grand rôle à La Réunion),
- Données climatiques (pour les espèces sensibles à l’humidité, à l’altitude…).
Les limites et précautions
- Un corridor sur une carte ne garantit pas son usage réel par les espèces,
- Il faut croiser modélisation et observations de terrain (pièges-photo, suivi GPS, enquêtes locales),
- L’échelle spatiale est déterminante : un corridor pour un papillon ne sera pas le même que pour un pétrel.
Conclusion
La cartographie des corridors écologiques est une étape clé pour une gestion territoriale respectueuse de la biodiversité et des écosystèmes. Elle permet de reconnecter ce que l’urbanisation a divisé et d’assurer la survie des espèces face aux changements globaux. En alliant expertise de terrain et modélisation SIG, les naturalistes ont un rôle important dans la protection de l'environnement.